dimanche 8 août 2010

Roman Policier - Imre Kertész

Imre Kertész nous introduit Roman Policier, comme une oeuvre qui ne lui ressemble pas, lui qui n'avait "jamais encore écrit de roman qui ne répondît pas à un impérieux besoin existentiel", et dont "l'organisme d'écrivain, pour ainsi dire, était entraîné à des travaux difficiles requérant des années voir des décennies d'effort".
Ce bref roman écrit dans l'urgence pour compléter numériquement et ainsi permettre l'édition de Liquidation, est donc finalement présenté par l'auteur comme un ouvrage qui, il l'espère, "aura gardé un peu de la fébrile candeur de son écriture".

En terme de candeur, nous nous prenons en pleine figure l'absurdité des rouages du service du renseignement d'une dictature, face aux carnets d'un jeune homme qui rêve à "agir". (télescopage d'absurde ?)
" "Rendre compte de mes journées : impossible. Rendre compte de mes projets : néant. Rendre compte de ma vie : je ne vis pas.
Ils ont détruit mes espoirs, ils ont tout détruit. Les salauds"".
Le jeune homme en question, petit-bourgeois, se fait arrêter sur une autoroute dont la vitesse limitée est minimale, pour ne pas voir ce qui se passe au bord (un camp de rétention ?).
Etonnant duel avec le père sur la notion d'avenir et de présent, où l'auteur semble se rire de l'immaturité du jeune Enrique :
"- Tu dois penser à ton avenir, Enrique.
- Je vis dans le présent.
- Bah, dit-il avec dédain, c'est un présent provisoire.
Alors j'explose :
- Je sais ! Il faut l'accepter provisoirement. Provisoirement mais tous les jours. Et chaque jour de plus en plus. Provisoirement. Durant toute notre vie provisoire, jusqu'à ce qu'un beau jour on meure à titre provisoire"...

Evidemment, mis dans les rouages d'une action, cela va mal finir pour le jeune homme et son père, et malgré la "nullité" de leurs gestes, pris dans une dictature du renseignement qui ne peut jamais avoir tort ; on le pressent dès le début de l'ouvrage, dont le narrateur est un jeune policier qui apprend les techniques de l'interrogatoire. (Narrateur lui même introduit par son avocat, mise à distance -en abîme- oblige, Kertész écrit tout de même en république populaire de Hongrie.)

De 1976 à nos jours, Imre Kertész frappe à notre porte. Quelle peut-être notre action, quelle portée peut-elle avoir ? Est-on prêt, capable, de voir le monde qui nous entoure ? Pouvons-nous agir sur lui sans que la société-machine qui le régit ne nous en empêche, même subrepticement, même si elle semble absurde et infondée ? Qu'est-ce qui est (le plus) absurde ?

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